Le Malaise de la Presse Marocaine LES DÉMÊLÉS DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS AVEC ABDERRAHIM ARIRI
dimanche 19 août 2007, par Kinini
Une tranche de la presse dite autonome,au Maroc, n’arrête pas de secouer la société marocaine dans ses convictions les plus intimes.La mise à l’épreuve de la Liberté d’expression, acquise au prix de longues années de combat, ne semble pas abdiquer de sitôt.Mais les moyens choisis ne mobilisent pas l’adhésion des principaux acteurs de la sphère publique.Et l’aire de confrontation avec les pouvoirs publics,conquiert progressivement des pans de malentendus qui obligent l’observateur à un positionnement atypique...
Au Maroc, depuis le 17 Juillet, deux journalistes ainsi que huit Officiers du Renseignement militaire et civil, dont deux colonels, ont été arrêtés et des perquisitions effectuées dans les locaux de l’hebdomadaire Al Watan Al Ane(La Nation maintenant)et dans les domiciles des concernés..Motif : atteinte à la Défense nationale et donc à la sécurité de l’Etat par la diffusion des documents classés Secret/défense. Sans crier tout de suite au retour des méthodes répressives, essayons de voir ce qui a déclenché ce processus inopiné de la séquestration de la libre expression dans un pays qui fait de la Réconciliation nationale son cheval de bataille et sa stratégie influente pour se distinguer politiquement des autres pays du Maghreb.
Il faut dire que la question de la presse, certainement par l’absence d’une offre variée de thèmes à débattre et, naturellement par l’engouement de prise de parole à travers le canal des médias, occupe une place prépondérante dans l’espace public. Dés l’intronisation de Mohamed 6, le gouvernement marocain a eu affaire à de cas similaires dans le ton et l’expression. On se souvient encore des démêlés d’Ali M’Rabet, avec les pouvoirs publics et l’affaire de son camarade Aboubakr Jamaî directeur du Journal, contraint plus récemment à démissionner. C’est dire,par ailleurs, qu’au moment où l’Opposition socialiste a été appelée à gouverner (les gouvernements de Youssefi et celui de Jettou), une certaine presse a voulu jouer ce rôle de confrontation pour tester ses compétences en la matière et comptabiliser les erreurs du Nouveau Règne pour être en mesure de le sacrifier à la vindicte d’un apolitisme béat. Néanmoins cette presse, on doit lui en reconnaître une certaine audace,a eu le mérite d’ouvrir (jusqu’à la banalisation ?)les dossiers et les sujets tenus pour tabous ou pour des Lignes Rouges.
Si le Maroc est doté d’un arsenal non négligeable de lois et d’institutions de régulation de la parole publique (Code des libertés publiques,Code de la presse,des Partis politiques,Associations des Droits de l’Homme), cela n’a pas empêché les dérapages fracassants de se produire.Et, à chaque fois, la justice est saisie,des poursuites entamées, des peines et des verdicts embarrassants proclamés. Ce qui est capable, si telle était l’intention des promoteurs de la mise en scène de ces incidents, de mettre en difficulté voire de décrédibiliser la sincérité ou l’autorité du Pouvoir. Sincérité car le contrat politique et social passé avec la société civile est qu’une page de l’Histoire récente du pays se doit d’être définitivement tournée.Contrat manifeste qui stipule que le Maroc ne reviendra plus jamais aux pratiques d’antan pourvu que les différents acteurs sachent s’en tenir aux lois qui encadrent le Code des Libertés publiques et qu’ils ne se posent pas en victimes lorsqu’ils enfreignent eux-mêmes ces frontières.
Or,la permanence et la teneur des conflits enregistrés à ce niveau, entre le Gouvernement d’une part, et la Société civile et les organes de presse d’autre part, montrent que tout n’a pas été suffisamment dit de la nature des attentes et des objectifs des uns et des autres. Et l’exemple actuel d’Ariri ne fait que le prouver davantage. Car comment un journaliste arrêté sur la base de la publication des documents du secret militaire a été également interrogé, selon ses dires, sur ses liens avec le prince Moulay Hicham ?
D’un autre point de vue, ce journaliste, arrêté, puis remis en liberté provisoire et poursuivi devant la justice est la preuve que la question de la presse au Maroc et de l’Information publique en général, polarise encore l’essentiel de l’énergie du traitement du champ politique. A un moment où les élections législatives sont là qui demandent un investissement national d’envergure pour traduire les projets politiques en actes mobilisateurs et en performance rentable pour le pays, on se réjouit d’affaires qui procèdent d’un déjà vu angoissant. Plus encore, ces scandales répétitifs à excès, toujours liés à l’identité de la presse dite indépendante, devraient normalement infléchir la tendance des observateurs à se poser la question sur la mission réelle de ces médias. Ces redondances tapageuses et leur institution en structures reproductives risquent de traduire, l’implication ou l’effet de manœuvres occultes qui ne peuvent indéfiniment demeurer dans l’incognito.
L’Hebdomadaire Al Watan avait publié le Samedi 14 Juillet l’intégralité d’un document confidentiel des Services de renseignement militaire en se prêtant à des effacements orientés mais qui n’enlèvent rien au descriptif des groupuscules terroristes ni au tonus des consignes. Le libellé du document est destiné à informer les Instances de Sécurité marocaine sur le mouvement et les initiatives d’une organisation terroriste dénommée Ansar Al Islam Fi Assahra Al Mouslima (Les adeptes de l’Islam au Sahara musulman) et tient à les mettre en garde contre le sérieux de la menace en les exhortant à plus de vigilance et à plus concertation avec les services relevant de leurs compétences. L’appréciation des services secrets du contexte du danger se fonde sur des informations recueillies sur Internet après leur publication par ce groupuscule. Si tout les pays du Maghreb,et plus particulièrement le Maroc, rentrent dans la haine exclusive de ces individus, c’est que ces pays adhèrent à la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste et qu’ils sont les alliés inaliénables de la politique laïque de l’Occident. Et donc la décision impérieuse de travailler à leur CHATIMENT par la mise en œuvre d’une déstabilisation explosive est retenue. Preuve en est l’information rapportée par le même journal, relative aux 16 kamikazes partis du Moyen-Orient pour venir se suicider dans le Maghreb arabe.
En effet, le document est soutenu par un commentaire des plus effrayants puisqu’il émet l’hypothèse (sinon la certitude) de la compromission d’un Etat arabe du Moyen -Orient dans l’encadrement logistique des brigades islamistes de la Mort. On mesure l’intérêt de ces informations pour la vie de milliers de gens innocents ainsi que pour tous les pays qui ont payé de la vie de leurs citoyens le prix cher à l’aveuglement cruel de la folie barbare. On peut, en parallèle, nous interroger naïvement, et cette fois contre Ariri, si la diffusion de ces assertions troublantes, même si elles éclairent l’opinion publique, n’avisent pas, du même coup, les terroristes en les contraignant à plus de prudence ,ou carrément, à les inspirer à changer de tactique ou à reporter leur projet démoniaque pour des jours plus propices.
Aucune intention de notre part de remettre en question le principe de solidarité dont les journalistes ont bénéficié dès le moment de leur arrestation. Mais ,ce qui est étonnant c’est le simplisme auquel on a voulu soumettre l’analyse d’un événement aussi déterminant que grave. Car voilà un journaliste qui se donne le plaisir public de lire dans des documents qui lui parviennent,selon ses dires, comme par enchantement, des sphères des services secrets les plus sensibles de l’Etat(DST, DGED, 5ème Bureau). Il ne trouve aucune gêne à déduire de leur recoupement notre mort collective mise en hypothèque et, plus terrifiant, qui apporte à la donne des éléments sérieusement scandaleux. Et, miracle, qui s’émeut quand on lui demande des explications. Imaginez que la chose se soit passée ailleurs, est-ce que les services compétents ne se seraient pas comportés de la manière ? Sinon plus.
Le journaliste Ariri ,directeur de la publication ,a été retenu du 17 au 24 en garde à vue avec son camarade ; celui-ci étant toujours en détention. A sa sortie,Ariri a donné plusieurs interviews qui recèlent des contradictions spectaculaires. Il affirme tantôt que PLUS de 150 agents (Al Massae du 26/7) se sont succédé à l’interroger, tantôt il affirme que le nombre des enquêteurs, frôle, s’approche des 150 agents sans compter, pour les deux cas,l’ensemble du personnel engagé dans cette mésaventure (journal Al Ayame du 27 Juillet). Sur le pourquoi de sa focalisation sur les activités de l’armée, il avance que c’est la ligne éditoriale choisie par son organe, et que c’est sa formation supérieure de juriste (un DEA en sciences juridiques), sa longue expérience qui ont fait naître chez lui ce besoin d’investigation... Ses camarades, restés derrière lui au journal, qui ont consacré 3 pages à l’événement ne parlent à aucun moment de Ligne Editoriale, mais avancent que le journal a dit ce que tout le monde sait déjà. Un vraie catastrophe ! ! ! Mais il y a plus, à une question relative à l’origine des documents, Ariri affirme que jamais il ne vérifie les sources des informations recueillies par ses partenaires, que jamais il ne demande à ses journalistes comment ils font pour se procurer de petits trésors analogues d’information. De quoi rendre perplexe le meilleur journaliste du monde ! Pire, Ariri à une question du journal francophone Maroc Hebdo qui consacre son numéro du 27 Juillet à ce dossier (la presse en alerte), sur une question relative à SI C’ETAIT A REFAIRE, avoue que la prochaine fois,avant de publier un document de ce genre, il demandera conseil à un avocat... Parait que sa formation de juriste et sa longue expérience dans le métier ne lui ont pas été d’un grand secours !
Ainsi donc, monsieur Ariri veut nous convaincre qu’il a pu infiltrer les murs et les silences épais de toutes les instances du Secret Militaire à telle enseigne que les rapports, les consignes militaires et policières, comme les dépêches des agences de presse, atterrissent chaque matin sur son bureau. C’est nous prendre pour des niais que de nous raconter ces balivernes d’un autre âge sachant que les rapports à ces services, dans le monde entier, n’obéissent pas à cette logique débile et démagogique.
On sait que le verdict de la libération provisoire d’Ariri et la poursuite de son camarade Hormat Allah, toujours en garde à vue, est paru à la MAP avant que le procureur général n’en avise leurs avocats. Ce qui a suscité l’ire et l’indignation dans les milieux qui suivent les péripéties de l’affaire. Cependant, monsieur Ariri, qui paraît en savoir énormément de choses, confie à l’hebdomadaire Al Ayam (journal en langue arabe) du 28 Juillet : je voudrais qu’on me dise si ce sont les Services militaires,la CIA ou le Mossad qui ont signé ce verdict... Assertion qui en rajoute à la dimension complexe du dossier sur le terrorisme international et sur lequel Ariri semble détenir des vérités importantes... Autrement, il ne se serait pas livré à l’effacement minutieux des séquences signifiantes dans le libellé du document confidentiel objet de cette tempête ruineuse pour tant de carrières...
Cela fait plus de dix ans qu’une tendance de la presse au Maroc fouille dans les caves nauséabondes de la politique pour faire dégoûter le Marocains de l’histoire récente de leur pays. Profitant des acquis des militants socialistes et communistes ainsi que de leur combat pour la liberté sous le régime de Hassan 2, elle a voulu s’approprier honteusement ce patrimoine d’une richesse incontestable et en faire un mode de surenchères politiciennes. L’Etat, pour sa part, ayant pris conscience, tardivement il est vrai, des erreurs du passé et des bas calculs de ces nouveaux acteurs, a décidé avec le soutien de l’essentiel des militants de gauche de réparer ces irrégularités. Et l’Etat,par l’intermédiaire du Premier Ministre, semble même prêt à s’en excuser. Le processus est suffisamment connu pour qu’on puisse y revenir ici. Seulement, la presse en question, poursuivant son train de sabotage, a continué à montrer des images sordides de ces années sombres allant jusqu’à dire que la tête de Ben Barka a été offerte sur un plat à ses détracteurs lors d’un Banquet à Rabat. Tout cela, on l’a dit malheureusement, et le lecteur se voyait dans l’obligation de consommer dans une passivité magistrale ces images abominables. On se disait que la tornade empoisonnée et mortifère allait cesser et que le jour était proche pour pouvoir respirer des idées plus saines, un jour où l’on puisse se consacrer,enfin, à rehausser la fierté de vivre, d’appartenir à un si beau pays. Que nenni. La décision est prise pour maintenir le ton et faire de l’espace public un polar infini qui génère la discorde, le bruit des armes, la banalisation cardinale de tout ce qui bouge et la propagation des valeurs démissionnaires qui rabaissent l’être humain. Avec la mise en orbite de la PEUR qui tue et de ces bombes humaines qui nous viendraient d’un Orient malade pour nous tordre le coup à cause que nous sommes mauvais...
Résultat de cette mascarade : le débat politique au Maroc traverse une conjoncture difficile. Par la faute de ceux qui censurent dans les recoins des quotidiens nationaux... ou ceux qui se taisent sur l’hypocrisie assassine des cascadeurs du Fait Divers. Par la faute, enfin, du retrait du journalisme authentique et responsable qui déserte les lieux publics de l’intelligence pour nous livrer à l’hydre haineuse, à cette image de nous-mêmes qui participe de ce complot néfaste et qui troque notre Destin contre une poignée de scandales...
Kinini Abdellatif.
http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=3062
mardi 21 août 2007
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