N° 283 21au 27 07 2007
Humeur. Al Watan
Mettre un journaliste en prison, c’est comme sortir nu dans la rue : tout le monde vous regarde. Et c’est exactement ce qui est en train de nous arriver. Tout cela à cause d’une affaire dont nul ne comprend encore les tenants et aboutissants : l’arrestation plus que musclée du directeur de l’hebdomadaire Al Watan Al An (anciennement Al Bidaoui) et de l’un de ses journalistes. Entendons-nous bien : un journaliste peut très bien se retrouver en prison s’il a volé une poule, violé une infirme ou posé une bombe devant la préfecture de police. Ariri, le directeur d’Al Watan, n’a rien fait de tout cela. Il a publié deux correspondances des services, l’un civil et l’autre militaire, faisant état des menaces terroristes qui pèsent sur le Maroc. Dans un sens, il a accrédité les théories de l’Etat et justifié le niveau d’alerte maximal. Journalistiquement, il a réalisé un scoop dont rêve tout détenteur d’une carte de presse dans le monde. On peut comprendre, malgré tout, que l’Etat éprouve le besoin de le poursuivre en justice puisque la loi le permet. Mais pourquoi, alors, le traiter en petit Ben Laden, en l’interpellant chez lui à 7 heures du matin, en le menottant comme un vulgaire assassin, et en le coupant de tout contact avec le monde extérieur de longues journées durant ? C’est la question que toute personne sensée se pose, au Maroc et (déjà) ailleurs. Cette affaire est grave, comme nous l’ont expliqué plusieurs spécialistes (inter)nationaux en matière de presse. Dans le fond et la forme, elle rappelle des méthodes dont on croyait le royaume débarrassé. Mettre un journaliste en prison et le traiter en terroriste pour un -éventuel- délit de presse qui reste à établir, et avant même qu’il n’y ait aucun jugement, n’est certainement pas digne d’un pays serein, moderne, intelligent. à moins que ce pays-là, pris d’un coup de sang, n’ait ressenti inexplicablement l’envie de sortir, nu, dans la rue, pour que tout le monde le pointe du doigt… Karim Boukhari
3 questions à Saïd Essoulami/ [Directeur du Center For Media Freedom. Moyen-Orient et Afrique du Nord.]
Deux journalistes de l’hebdomadaire Al Watan ont été arrêtés pour publication de “documents liés au secret défense”. Quelle est votre réaction ?C’est grave. Nous dénonçons cette arrestation qui est illégale et contraire à toutes les conventions internationales en la matière. La protection de la sécurité nationale ne peut en aucun cas être invoquée pour inciter un journaliste à révéler ses sources. La source est sacrée et même un juge ne peut pas vous demander de la divulguer, à moins qu’il y ait une vie en jeu. L’Etat doit absolument commencer par libérer les deux journalistes.Que préconisez-vous pour éviter ce genre de conflits avec les médias ?Il nous faut une législation adéquate qui permette à tout citoyen de demander à accéder aux informations que détiennent nos administrations. Avec cette nouvelle loi, ce ne sont pas les administrations qui détermineront si elles sont confidentielles ou pas, la tâche sera alors déléguée à un commissaire à l’information indépendant, qui sera chargé de trancher.Où en est, d’après vous, la presse marocaine actuellement ?Depuis 1999, la presse a non seulement participé au processus démocratique, mais elle a aussi connu une évolution remarquable. Mais avec la multiplication des procès, et le Code de la presse que l’on nous prépare, il y a lieu de s’inquiéter. Comme si, quelque part, on s’activait pour mettre fin à cette évolution.
Humeur. Al Watan
Mettre un journaliste en prison, c’est comme sortir nu dans la rue : tout le monde vous regarde. Et c’est exactement ce qui est en train de nous arriver. Tout cela à cause d’une affaire dont nul ne comprend encore les tenants et aboutissants : l’arrestation plus que musclée du directeur de l’hebdomadaire Al Watan Al An (anciennement Al Bidaoui) et de l’un de ses journalistes. Entendons-nous bien : un journaliste peut très bien se retrouver en prison s’il a volé une poule, violé une infirme ou posé une bombe devant la préfecture de police. Ariri, le directeur d’Al Watan, n’a rien fait de tout cela. Il a publié deux correspondances des services, l’un civil et l’autre militaire, faisant état des menaces terroristes qui pèsent sur le Maroc. Dans un sens, il a accrédité les théories de l’Etat et justifié le niveau d’alerte maximal. Journalistiquement, il a réalisé un scoop dont rêve tout détenteur d’une carte de presse dans le monde. On peut comprendre, malgré tout, que l’Etat éprouve le besoin de le poursuivre en justice puisque la loi le permet. Mais pourquoi, alors, le traiter en petit Ben Laden, en l’interpellant chez lui à 7 heures du matin, en le menottant comme un vulgaire assassin, et en le coupant de tout contact avec le monde extérieur de longues journées durant ? C’est la question que toute personne sensée se pose, au Maroc et (déjà) ailleurs. Cette affaire est grave, comme nous l’ont expliqué plusieurs spécialistes (inter)nationaux en matière de presse. Dans le fond et la forme, elle rappelle des méthodes dont on croyait le royaume débarrassé. Mettre un journaliste en prison et le traiter en terroriste pour un -éventuel- délit de presse qui reste à établir, et avant même qu’il n’y ait aucun jugement, n’est certainement pas digne d’un pays serein, moderne, intelligent. à moins que ce pays-là, pris d’un coup de sang, n’ait ressenti inexplicablement l’envie de sortir, nu, dans la rue, pour que tout le monde le pointe du doigt… Karim Boukhari
3 questions à Saïd Essoulami/ [Directeur du Center For Media Freedom. Moyen-Orient et Afrique du Nord.]
Deux journalistes de l’hebdomadaire Al Watan ont été arrêtés pour publication de “documents liés au secret défense”. Quelle est votre réaction ?C’est grave. Nous dénonçons cette arrestation qui est illégale et contraire à toutes les conventions internationales en la matière. La protection de la sécurité nationale ne peut en aucun cas être invoquée pour inciter un journaliste à révéler ses sources. La source est sacrée et même un juge ne peut pas vous demander de la divulguer, à moins qu’il y ait une vie en jeu. L’Etat doit absolument commencer par libérer les deux journalistes.Que préconisez-vous pour éviter ce genre de conflits avec les médias ?Il nous faut une législation adéquate qui permette à tout citoyen de demander à accéder aux informations que détiennent nos administrations. Avec cette nouvelle loi, ce ne sont pas les administrations qui détermineront si elles sont confidentielles ou pas, la tâche sera alors déléguée à un commissaire à l’information indépendant, qui sera chargé de trancher.Où en est, d’après vous, la presse marocaine actuellement ?Depuis 1999, la presse a non seulement participé au processus démocratique, mais elle a aussi connu une évolution remarquable. Mais avec la multiplication des procès, et le Code de la presse que l’on nous prépare, il y a lieu de s’inquiéter. Comme si, quelque part, on s’activait pour mettre fin à cette évolution.
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