dimanche 21 octobre 2007

Telquel : Liberté de la presse. Ménard frappe fort

xxxxxxxxxxxxxxx11 Septembre 2007
“Le roi porte toute la responsabilité du retour de bâton en matière de liberté de la presse”. Robert Ménard, cette fois, y est allé fort. Réagissant à la dernière actualité marocaine en la matière (procès Al Watan Al An et TelQuel/Nichane), le secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF) a animé, mercredi 5 septembre à Casablanca, une conférence de presse durant laquelle il a rendu publique une lettre très critique envoyée la veille à Mohammed VI. “Vos promesses sont restées des promesses, y affirme Ménard. Les chiffres et les faits attestent que votre engagement (en faveur de la liberté de la presse) n’a pas été tenu”. De fait, selon le décompte de RSF, 34 organes de presse ont été censurés et 20 journalistes condamnés à des peines de prison (dont 15 avec sursis) depuis l’arrivée de Mohammed VI au pouvoir. “Ces condamnations n’honorent ni votre régime, ni une justice qui apparaît à la botte des autorités”, a sévèrement critiqué Ménard.Contrairement à son habitude, le ministre de la Communication, Nabil Benabdellah, sans doute occupé par sa campagne électorale à Témara, n’a pas répondu à l’activiste français. Le Matin s’en est chargé le lendemain, dans une attaque au vitriol accusant Ménard de détournement de fonds et de collusion avec la CIA (entre autres joyeusetés), et signée “Mohamed Al Watani” (sic !), un pseudonyme de circonstance derrière lequel se cache très probablement le directeur délégué du “journal du Palais”, Hassan Alaoui. “C’est un tissu de mensonges absurde et injurieux”, répond Ménard, qui réfléchit à poursuivre Le Matin en justice.

Telquel : Le procès intenté à Mourad Borja

Liberté d'expression.
Telquel
Borja dérange Le procès intenté à Mourad Borja, photo-reporter et directeur de l'agence AIC Press, pour outrage à un policier, a été reporté au 9 octobre. Ce n'est jamais que le troisième report dans cette affaire, qui vient s'ajouter aux procès intentés à la presse depuis quelques mois. "Cette affaire d'outrage a été montée de toutes pièces. Je suis dans le collimateur de certains, car les photos que je prends dérangent", soutient Mourad Borja. Notre confrère est épaulé par des dizaines d'avocats, en plus d'être soutenu par de nombreuses associations et de titres de presse, dont TelQuel.

Telquel : Saïd Essoulami. “Au Maroc, la presse est perçue comme undanger”

Le directeur du Centre pour la liberté des médias en Afrique du Nord et Moyen-Orient (CMF MENA) est formel : l’affaire Ariri – Hormatallah et le projet de Code de la presse risquent de restreindre considérablement la liberté d’expression au Maroc. Entretien.Comment jugez-vous l’état de la presse et de la liberté d’expression à la lumière de l’affaire Ariri – Hormatallah, poursuivis pour “recel de documents confidentiels” ?Cette affaire tombe bien, d’une certaine manière. Elle relance le débat
sur la liberté d’expression, et surtout sur le droit d’accès à l’information. Dans l’affaire Ariri, tout le monde, à commencer par les professionnels de la presse (Syndicat et Fédération des éditeurs) s’est focalisé sur le procès, l’interpellation de Ariri et Hormatallah et le maintien de ce dernier en détention… Tout cela est trop grave, mais il ne doit pas nous faire oublier ce qui se passe en parallèle : le procès des huit militaires dans la même affaire (dont le procès s’est ouvert jeudi, au Tribunal militaire de Rabat. ndlr).Quelle est l’importance de ce procès ?Elle est extrême. Parce qu’on est en plein débat sur le droit d’accès à l’information. Moi, je pose la question : qu’adviendra-t-il des officiers en cours de jugement ? Qui se soucie de leur sort ? Les journalistes, mais aussi les associations des droits de l’homme, devraient s’en inquiéter. Le procès intenté à ces gens n’est peut-être, au final, qu’une autre forme d’intimidation. Et on est en droit de penser que l’Etat est en train de punir des “informateurs” de la presse et, au-delà, de l’opinion publique.Le rôle des militaires n’est-il pas tout autre que de servir d’informateurs des médias et de l’opinion publique ?Les militaires et les policiers appartiennent à la société marocaine. Et tant qu’ils ne mettent pas en péril la sécurité de l’Etat, et la nature des documents publiés par Al Watan en atteste largement, ils peuvent informer, et même dénoncer quand il y a lieu de le faire. C’est probablement ce qu’ils ont fait. Et aujourd’hui, personne ne se soucie d’eux. Quand j’ai fait la remarque au comité de soutien d’Ariri, on m’a répondu : “Nous, ce qui nous intéresse, ce sont nos journalistes”. C’est dommage, parce que tout est lié. Et l’affaire Ariri, dans son ensemble, est plus importante qu’elle n’y paraît. Elle risque, par bien des aspects, de mettre fin à toute possibilité, pour les médias et l’opinion publique, d’obtenir des informations de première main.Il y aurait donc, selon vous, une volonté politique de verrouiller l’accès à l’information ?Cela y ressemble. Beaucoup d’indices vont dans ce sens. Le gouvernement marocain a concocté, discrètement, un projet de loi pour contrôler les archives nationales. Nos archives, selon le texte adopté, pourront basculer dans le domaine public au bout de 30, 60 ou 100 ans, selon leur importance. Mais les archives militaires resteront, elles, à part, puisqu’elles ne rentrent dans aucune des trois catégories. Je rappelle aussi, sur un autre plan, que le Maroc a ouvert, via la HACA, le champ aux radios privées mais en réduisant les créneaux. En d’autres termes, on peut aujourd’hui créer une radio musicale, mais pas une radio associative, on peut divertir, mais pas informer. Je trouve cela très paranoïaque comme attitude. Certes, le Maroc n’a pas la maturité démocratique de certains pays européens, mais des pays comme le Mali ou la Mauritanie ont autorisé les radios associatives. De tout cela, il y a une vérité qui se dégage : le Maroc considère toujours l’information, et donc la presse, comme un danger potentiel.Que pensez-vous du projet de Code la presse, aujourd’hui en stand by chez le gouvernement ?Ce projet, autant dans sa teneur que dans la manière dont il a été préparé, confirme l’orientation frileuse du gouvernement. L’essentiel n’est pas dans la réduction des peines de prison, mais ailleurs. Imaginez que pour créer un journal, il faut pratiquement dévoiler son livret de famille, ses comptes bancaires, l’état de son patrimoine, etc. C’est inacceptable, c’est surtout aberrant quand on se prétend un pays “libéral”.L’ouverture aux capitaux étrangers, stipulée dans le projet, ne représente-t-elle pas une avancée ?C’est un leurre. Si le capital étranger représente plus de 30% dans le montage financier d’un journal, ce dernier est considéré comme étranger. C’est encore une fois aberrant. Il faut choisir ce que l’on veut : soit on s’ouvre et on assume, soit on oublie et on reste dans notre état de sous-développement. Le Maroc a du mal à concevoir que la presse est, dans la définition moderne du terme, un secteur d’investissement, créateur de richesses. Le projet de Code de la presse ne témoigne absolument pas de cette évolution.Quel rôle pourrait jouer, demain, le Conseil national de la presse (CNP), voulu par le souverain, et prévu dans le projet de Code de la presse ?Le CNP pourrait jouer un rôle important, mais tout en subtilité : celui de soulager l’Etat de l’énorme pression qui pèse sur ses épaules chaque fois qu’un journaliste est victime d’une lourde décision de justice ! Si c’est le CNP qui, demain, sanctionne un journaliste, il sera difficile à une ONG internationale de pointer l’Etat du doigt.Un journal ne peut pas, non plus, écrire n’importe quoi et ouvrir ses portes à n’importe qui. Comment faire alors pour séparer le bon grain de l’ivraie ?C’est une question de philosophie générale. Au Maroc, la liberté d’expression a franchi des paliers, c’est incontestable. Aujourd’hui, toutes les sensibilités politiques et sociétales peuvent plus ou moins s’exprimer. Et cela, on le doit principalement à la jeune presse indépendante. Mais ce n’est pas une raison pour s’arrêter en si bon chemin. Surtout que, en face, la mentalité dominante n’a pas changé : la presse est plus considérée comme un danger et une source d’ennuis qu’un bon investissement. Un Etat qui raisonne ainsi n’est pas dans le giron des pays démocratiques. Il faut laisser la presse indépendante aller de l’avant dans son rôle de “watchdog” par rapport au Pouvoir, et laisser tous les extrémismes s’exprimer. Parce que la force d’une démocratie est aussi de pouvoir absorber tous les excès.

Liberation : Maroc: Reporters sans frontières épingle l'Etat


Larbi Bouhamida

Publié sur le web le 7 Septembre 2007
La liberté de la presse au centre d'une conférence à Casablanca
Reporters sans frontières a organisé mercredi 5 septembre à Casablanca une conférence de presse sous le thème " Maroc, la liberté en péril".
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Cette rencontre présidée par son secrétaire général, Robert Ménard et à laquelle ont assisté des journalistes, quelques directeurs de publications était en quelque sorte un réquisitoire contre l'Etat marocain. Le bilan présenté, à en croire Robert Ménard, n'honore pas le Maroc qui a gagné pourtant l'année dernière dans le classement mondial une vingtaine de places.
C'était également l'occasion pour lui d'annoncer que RSF a envoyé une missive à S.M le Roi à ce sujet et de lancer un appel aux parlementaires les exortant à ne pas voter en faveur du nouveau Code de la presse qui, selon ses dires, risque de les décrédibiliser.
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Pour les professionnels de la presse, en dépit des poursuites judiciaires, procès, condamnations et fortes amendes, la situation s'est nettement améliorée par rapport au passé. Le SG de RSF le reconnaît devant l'assistance, ajoutant que par rapport au monde arabe, le Maroc est de loin meilleur.
Les militants qui ont mené un combat sans relâchedepuis des décennies et qui ont payé cher de leur vie, sont les témoins de l'amélioration de l'état des libertés. Ils ne se contentent pas des progrès accomplis, mais aspirent à davantage d'améliorations du Code de la presse.
La conférence de RSF n'est-elle pas inscrite dans ce registre de la liberté de presse et de l'élargissement de l'espace des libertés au Maroc?